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Le physicien Pierre Demers remporte le prix Marie-Victorin

Le physicien Pierre Demers, qui célébrera le 8 novembre son 101e anniversaire, reçoit le prix Marie-Victorin 2015. C'est pour lui un «honneur» qui marque une «belle reconnaissance venant des pairs», a-t-il fait savoir à Forum. C'est la deuxième récompense en un mois pour l'homme de science et grand défenseur de la langue française à qui la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal a décerné le Prix des sciences Léon-Lortie 2015.

M. Demers a bien connu les deux hommes qui ont laissé leur nom à ces prix prestigieux. Le frère Marie-Victorin lui a appris la botanique dans les années 30 et Léon Lortie, historien et chimiste, a été son collègue à l'Université de Montréal pendant plusieurs années.

Né en Europe en 1914, Pierre Demers rentre au Québec avec ses parents dans les années 20. Il termine son cours classique en 1933 au collège Jean-de-Brébeuf. Il fait alors la connaissance du frère des Écoles chrétiennes, qui lui montre comment identifier les plantes. Les deux hommes resteront en contact jusqu'à la mort du botaniste, en 1945.

«Mon père récoltait des plantes et en apportait des sacs pleins à l'Institut botanique. C'était bien avant qu'il décide de devenir physicien», relate son fils Joël, qui vient de mettre la dernière main à un documentaire d'une heure sur son père. Ce film sera projeté en première mondiale au Jardin botanique de Montréal le 7 novembre.

La carrière de Pierre Demers a été marquée par les grands moments de l'histoire du 20e siècle. Venu au monde au déclenchement de la Première Guerre mondiale, il fait ses études universitaires de premier cycle à la Faculté des sciences de l'UdeM, où il obtient des licences en physique et en mathématiques, puis une maîtrise en chimie. Il retourne ensuite en France et devient le premier étranger à obtenir le titre d'agrégé de l'Université de France en sciences physiques. Il entre par la suite au Collège de France pour travailler avec Frédéric Joliot-Curie, le gendre de Marie Skłodowska et Pierre Curie. C'est l'arrivée des Allemands, en 1940, qui le ramène au Canada. Il est mobilisé par les forces alliées pour travailler au projet Manhattan sur les lieux mêmes de l'Université de Montréal dans un laboratoire secret. Son rôle dans la mise au point de la bombe atomique est difficile à évaluer mais il ne fait pas de doute.

Après la guerre, il entreprendra des études aux États-Unis tout en enseignant la physique à l'UdeM. Hubert Reeves est un de ses anciens étudiants. Dans une entrevue à Forum en 2009, M. Reeves a raconté que son professeur avait regroupé des étudiants pour lancer dans le ciel montréalais un ballon-sonde muni d'une plaque photographique afin d'étudier le rayonnement cosmique. «Je me rappelle tout le bonheur que j'ai eu à participer à cette expérience. C'était la première fois que je réalisais que j'avais envie de consacrer ma vie à la recherche scientifique.» Même si le ballon s'est perdu dans la stratosphère et qu'on l'a retrouvé une centaine de kilomètres à l'est, dans un lac, les plaques photographiques inutilisables, l'excitation de la découverte avait fait son effet.

Le français, langue de science

En 2012, M. Demers a été fait membre émérite de l'Association francophone pour le savoir (Acfas). Le physicien, véritable apôtre de la francisation de la science, n'a manqué aucun des congrès de l'organisme depuis 1933.

Le 31 août dernier, dans les pages du Devoir, M. Demers invitait les chercheurs québécois à «faire plus d'efforts pour leur langue». Si la langue française subsiste grâce aux travaux de vulgarisation scientifique, un «défaut d'intérêt chez les chercheurs entraîne un manque de publications scientifiques récentes dans la langue de Molière», déclarait-il. La journaliste Laura Pelletier rapportait que «seulement 0,5 % des publications scientifiques des chercheurs québécois dans des revues internationales ont été faites en français dans le domaine des sciences naturelles et médicales et 9,4 % en sciences humaines et sociales», selon les travaux de Vincent Larivière, de l'Université de Montréal.

Pierre Demers s'inscrit dans la même lignée de pensée que le frère Marie-Victorin qui, lui aussi, s'était donné pour mission de promouvoir la langue française, comme en témoigne la création de l'Acfas. «Marie-Victorin a été une inspiration pour moi, a-t-il tenu à dire aux lecteurs de Forum. Il m'a beaucoup séduit, car il connaissait admirablement sa flore, la flore québécoise, avait des idées politiques et s'intéressait à l'avenir du Québec.»

Mathieu-Robert Sauvé