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Des physiciens de l'Université de Montréal jettent un premier coup d'œil sur la naissance de l'Univers au CERN

Le professeur Claude Leroy

Le professeur Claude Leroy

Après moins de trois semaines d'exploitation du Grand Collisionneur Hadronique (LHC) au CERN avec les ions lourds (collisions frontales d'ions de plomb), l'expérience ATLAS, à laquelle le Groupe de la physique des particules de l'Université de Montréal participe, a déjà réussi à jeter un premier coup d'œil sur la matière telle qu'elle existait probablement aux tout premiers instants de l'Univers. Cette première observation directe d'un phénomène appelé étouffement des jets a été faite par l'expérience ATLAS. Les détails des résultats seront publiés sous peu dans la prestigieuse revue scientifique Physical Review Letters.

L'un des premiers buts du programme d'ions lourds au CERN est de produire de la matière dans l'état où elle se trouvait à la naissance de l'Univers. La matière nucléaire ordinaire, celle dont nous sommes faits et qui constitue l'univers visible, est composée de neutrons et de protons, eux-mêmes des assemblages de trois quarks retenus ensembles par ce qu'on appelle des gluons. Or, celle-ci n'existait pas à ces premiers instants. En effet, l'Univers était trop chaud et trop agité pour que les gluons puissent retenir les quarks et former protons et neutrons. Ces particules élémentaires se déplaçaient librement, formant une sorte de soupe, ou plus exactement un plasma, de quarks et de gluons.

L'étude d'un tel plasma pourrait permettre d'en apprendre un peu plus sur l'évolution de l'Univers dans ses premiers instants sur la nature de la force forte, qui lie les quarks et les gluons pour former les protons, les neutrons et en fin de compte tous les noyaux du tableau périodique des éléments. Or, la création d'une telle soupe est difficile et requiert une très grande concentration d'énergie qu'il n'était pas possible d'atteindre sur Terre avant l'entrée en ligne du LHC, il y a quelques mois.

Lorsque les ions de plomb entrent en collision au LHC, ils peuvent concentrer en un volume très petit suffisamment d'énergie pour produire de minuscules gouttes de cet état primordial de la matière, dont la présence est reconnaissable par toute une gamme de signaux mesurables.

Dans les collisions d'ions lourds, les jets de particules produits interagissent dans les conditions tumultueuses du milieu, qui est dense et chaud. Cette situation produit un signal très caractéristique, appelé étouffement des jets, dans laquelle l'énergie des jets peut se dégrader très fortement, révélant ainsi des interactions avec le milieu plus intenses que tout ce qui a pu être observé précédemment. L'étouffement des jets est un outil puissant pour l'étude approfondie du comportement du plasma. ATLAS est la première expérience à décrire une observation directe de l'étouffement des jets.

L'excellente capacité des détecteurs de l'équipe ATLAS à déterminer l'énergie de ces jets de particules a permis d'observer un déséquilibre flagrant de l'énergie des paires de jets : l'énergie de l'un des deux est presque entièrement absorbée par le milieu. C'est un résultat très prometteur, et la collaboration ATLAS en est fière.

Les mesures réalisées par ATLAS annoncent une ère nouvelle pour l'utilisation des jets comme moyen de sonder le plasma de quarks et de gluons. Grâce à la mesure de l'étouffement des jets, et à d'autres mesures à venir, ATLAS sera bien armée pour nous éclairer sur les propriétés du plasma primordial et les interactions entre les quarks et les gluons de cette matière. La communauté de la recherche sur les ions lourds au LHC est confiante que la poursuite de l'analyse des données pourra contribuer de façon importante à l'émergence d'un modèle plus complet du plasma quarks-gluons et, par conséquent, de l'Univers primordial.

Pour de plus amples renseignements :

Claude Leroy
Téléphone : 514-343-6722
Courriel : leroy@lps.umontreal.ca